de(s)générations 12

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Peuple des voix

Rédacteurs : Jean-Marc Cerino, Michel Gaillot & Jean-Baptiste Sauvage

Sommaire

  • Guillaume Le Blanc : Une voix à soi
  • John Berger : Notes sur le Story-telling d’aujourd’hui
  • Christiane Cavallin Carlut : Réalités et fictions du témoignage dans la demande d’asile : la construction de la crédibilité
  • Arlette Farge : Des voix hors-lieu
  • Sylvain George : De la destruction. De la démultiplication des mondes (entretien avec Alexandre Costanzo & Jean-Baptiste Sauvage)
  • Jean-Luc Nancy : À la gorge en souffrance
  • Olivia Rosenthal & Philippe Bretelle : Assignés à résidence
  • Elie During : Accents de l’étranger
  • Ronald Creagh : Retour sur … “L’Utopie insurgeante” (entretien avec Arnaud Zohou)
  • Sylvain George : Images du film Qu’ils reposent en révolte (Des Figures de Guerres I)
  • Jean-Baptiste Sauvage : photographies
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Caractéristiques techniques

Date de publication : 1 décembre 2010
Format : 14,8 x 21 cm - 96 pages
ISBN : 978-2-35575-119-6
ISSN : 1778-0845

Edito

 « Tu n’auras pas ma voix grande voix
[…] toi aussi tu passeras »
Henri Michaux, Épreuves, exorcismes.

À l’origine de ce numéro, puis de sa préparation durant l’été, un air du temps de plus en plus irrespirable, faisant monter non pas une peur, mais après un court instant habité d’une grande tristesse, une véritable colère...
Une colère quand certains d’entre nous, de plus en plus nombreux, se retrouvent dépossédés, dépossédés de leurs droits les plus élémentaires, mais également dépossédés d’eux-mêmes, dépossédés de leur propre voix, ne serait-ce que de celle de pouvoir dire simplement cette dépossession.
Qu’elle soit grave ou aiguë, claire ou rauque, haute ou basse, ou encore cassée, éraillée, frêle ou forte, qu’elle soit celle de l’intérieur ou de l’étranger…, la voix est d’abord ce qui nous distingue, ce qui nous singularise, à la manière dont le fait notre visage dont elle est l’expression sonore.
Quelle est alors la valeur d’une voix ? Que vaut-elle ou dit autrement quel est son sens, si ce n’est – parce qu’elle est fondamentalement ou essentiellement irremplaçable et insubstituable – ce qu’il y a à la fois de plus singulier et de plus commun ou de plus politique, entendu ici au sens du politique, c’est-à-dire de l’être-en-commun, la voix étant en quelque sorte l’espacement de cet en-commun ou le en de cet encommun, son partage ou son ouverture infinie. Mais peut-être aussi au sens de la politique ; d’ailleurs, il n’est pas anodin que l’homme politique ait été d’abord – en sa naissance grecque, dans la démocratie athénienne – le rhetor, celui qui parle à haute voix et dont la voix, partagée et mêlée à celle des autres, s’étale à tout l’espace de l’agora, cet espace de la représentation démocratique, de sa fondation et de son exercice. La question de la démocratie en ce sens, c’est avant tout celle du « partage des voix », celle de leur délégation ou de leur représentation.
Qu’en est-il alors aujourd’hui, quand au seul profit ou au seul prétexte d’en manipuler et d’en gagner d’autres (en jouant sur leur fibre populiste, voire nationaliste), quand au nom d’un populisme qu’on pensait naïvement relégué au pire passé de notre histoire, s’appuyant de surcroît sur la vague de la « crise » et des crispations identitaires qu’elle fait inexorablement surgir, nos rhetor modernes n’hésitent pas à sacrifier le partage essentiel des voix, à effacer ou étouffer ces voix qu’on dit « étrangères » ou « mal venues », à les exiler ou à les expulser ?
La question de la voix (ou plus précisément des voix, de leur native et constitutive pluralité...) porte en ce sens en son coeur celle du politique, de son partage et de sa forme concrète contemporaine, la démocratie (fût-elle, comme c’est le cas de nos jours, devenue essentiellement « libérale »), montrant, si besoin est, comment sa complexité interne – dont la question de la représentation et/ou de la délégation des voix singulières multiples, plurielles et quelconques est la forme ou la face la plus visible, mais aussi la plus fragile – est toujours ouverte, toujours exposée, risquée même et comme aujourd’hui malmenée ou menacée.
Une question se pose alors : qu’en est-il de notre avenir « commun » et de l’être ensemble qui ne cesse d’y venir, quand une partie des voix qui le composent, qui composent sa polyphonie ne sont plus audibles, et que la pluralité des voix est alors passée sous silence, mise au pas ou confisquée ?

Jean-Marc Cerino, Michel Gaillot

DES-12

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Ont participé à De(s)générations n°12

John Berger, Philippe Bretelle, Christiane Cavallin-Carlut, Ronald Creagh, Elie During, Arlette Farge, Sylvain George, Guillaume Le Blanc, Jean-Luc Nancy, Olivia Rosenthal