de(s)générations 31

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Démocrature défiliation

Rédacteurs : Philippe Roux et Jean-Marc Cerino

Sommaire

  • Philippe Roux: Défiliation / Démocrature

  • Tiphaine Samoyault : Filles

  • François Cusset : Démocratie, peut-être, écriture

  • Charles Pennequin : France déchue

  • Ludivine Bantigny : Passés présents. Le temps comme enjeu d'engagement. Échange avec Jean-Marc Cerino

  • Arnaud Zohou : Parricides, ou d'un rapport pervers à la douceur 

  • Serge Daney : Laissons passer les barbares. Entretien avec Philippe Roux

  • Maurizio Lazzarato : Guerre et capital. Entretien avec Philippe Roux

  • Charles Pennequin : Père ancien

  • Madeleine Aktypi : Alphabet, à l'assaut de la pensée des mots. Entretien avec Gaëlle Vicherd


Iconographie : Gaëlle Vicherd, Valentin Barry, François Daillant, Antoine Lambin et Alban-Paul Valmary


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Caractéristiques techniques

Date de publication : décembre 2019
Format : 14,8 x 21 cm - 96 pages
ISBN : 978-2-9570700-0-8
ISSN : 1778-0845

Édito

À nous de garder…

En septembre 2005 sortait le numéro 00 Démocratie - démocrature de la revue De(s)générations puis en février 2006 le 01 Dé(s)filiations, fils de ?, deux thèmes fondateurs de la revue et qui en ont déterminé le nom. Avec la reprise de quelques textes de ces deux premiers numéros, épuisés depuis longtemps, activés par de nouvelles contributions, nous en réinterrogeons, quinze ans plus tard, quelques notions clés, au-delà de tout esprit d’anniversaire, mais en adoptant une attitude de rebond, nouant avec la position de l’Ange de l’Histoire décrite par Walter Benjamin qui enroule et déroule le futur dans le passé  et entraîne chacun.e dans l’histoire comme sur le chemin du futur antérieur.

Nous voulions, par la création de cette revue, interroger ce qui avait failli avec la sociale démocratie, le gauchisme, les partis communistes. Une façon de se retourner vers nos pères et nos mères et de leur dire : Que nous avez-vous laissé ? Dans quel monde vivons nous ? Un monde vaincu par le capitalisme, dont ce dernier n’en serait plus que l’unique possible.
Nous n’avons jamais accepté cette tristesse et la restauration politique que cette séquence engendrera à partir des années 1980. Plus que cela – puisque s’il s’agit à nouveau de convoquer la filiation – nous avons refusé la vie sans idée ou la vie stupide d’adolescence consommateurs.trices et individualistes qu’elle exigeait. La boussole de l’idée n’a pas disparu pour nous, filles et fils qui avons refusé cette double injonction que point Alain Badiou : « qu’on achète les produits du marché si on le peut, et que si on ne le peut pas on se tienne tranquille. Pour ces deux choses, il faut n’avoir aucune idée de justice, aucune idée d’un autre avenir, aucune pensée gratuite. Mais toute vraie pensée est gratuite. Et comme, dans le monde qui est le nôtre, seul compte ce qui a un prix, il faut n’avoir aucune pensée, aucune idée. Alors seulement on peut obéir au monde qui nous dit : “Consomme si tu en as les moyens, si tu ne les a pas, ferme ta gueule et disparais.” Alors seulement on peut avoir une vie totalement désorientée et répétitive, parce que la boussole de l’idée a disparu. »

C’est dans ce mouvement vitaliste que nous nous sommes tournés, que nous nous tournons vers les plus jeunes en souhaitant leur dire : l’Histoire est plus grande que le présentisme étriqué qui vous/nous est donné. Le monde porte plus de possibles que cette démocrature gouvernée par le néolibéralisme. Et cela même si le présent, comme l’écrit François Cusset, est : « Airs empoisonnés, terres lessivées, ressources taries, villes hyperconnectées, relations rentabilisées, affects marchandisés, corps sursollicités, disponibilités interceptées, attentions accaparées, temps fragmentés » ou «  tout est épuisé, nous aussi bien que la Terre qui nous porte, nos forces physiques et morales aussi bien que les possibles promis par l’histoire, et cette fatigue généralisée, épuisement d’époque, nous oblige à veiller sur nos dernières forces – à nous garder, selon l’expression qu’aimait tourner dans tous les sens Jacques Derrida. » Quinze ans… et le constat semble de plus en plus accablant. Sombrer dans les passions tristes est de plus en plus facile, le poids du fatalisme gagne les meilleurs d’entre nous.

À nous donc de maintenir l’idée d’un communisme, d’un éco-communisme, qui combat partout où c’est possible le capitalisme financier, le capitalisme théologico-religieux, le capitalisme nationaliste, car dans ces mondes-là les ploutocrates ont besoin de citoyens obéissants. Quand tout dernièrement Macron lance l’appel à bâtir une « société de vigilance », en sachant « repérer à l’école, au travail, dans les lieux de culte, près de chez soi, les relâchements, les déviations, ces petits gestes qui signalent un éloignement d’avec les lois et valeurs de la République », on y perçoit l’un des traits caractéristiques des démocratures, qui, au-delà de la démultiplication de la surveillance étatique et d’une idéologie matraquée par une propagande quotidienne en appellent au contrôle de tous sur tous. Filles et fils ne doivent plus obéir car la source de ce néofascisme est cette obéissance.

Nous dédions ce numéro à ceux dont nous nous devons de garder le souvenir : à ceux qui, à plus d’un titre luttent pour la dignité ; ces mille Gilets jaunes qui ont été condamnés à des peines de prison par la police macroniste. Comme aux camarades syndicalistes qui se battent tous les jours contre le saccage de nos protections sociales. Nous devons nous garder d’oublier cette directrice d’école de Pantin, Christine Renon, qui s’est suicidée le 23 septembre dernier. Nous devons nous garder de ne pas interroger le pourquoi de l’immolation de ce  jeune étudiant d’origine stéphanoise qui a écrit avant son geste : « J’accuse Macron, Hollande, Sarkozy, et l’UE de m’avoir tué, en créant des incertitudes sur l’avenir de tout.es, j’accuse aussi Le Pen et les éditorialistes d’avoir créé des peurs plus que secondaires ». Nous devons nous garder de ne pas penser des possibles révolutionnaires, des possibles pour réactiver la vie.

Philippe Roux et Jean-Marc Cerino

DES-31

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Ont participé à De(s)générations n°31

Madeleine Aktypi, Ludivine Bantigny, François Cusset, Serge Daney, Maurizio Lazzarato, Charles Pennequin, Tiphaine Samoyault, Arnaud Zohou, liquidetestpress.net